Quand je le joue, ça ne sonne pas comme dans la video!
Eh oui! ce serait formidable! Il suffirait de jouer les bonnes notes sur les bons rythmes et hop, le tour est joué!
Hélas non, ce n'est pas si simple...et puis tant mieux, car l'ennui arriverait tellement vite si tout était si rapide et si simple!
Je me souviens avoir travaillé en boucle les quatre premières mesures de "Une Barque Sur L'Océan" de Maurice Ravel au Conservatoire de Nice pendant des heures quand j'avais dix sept ans en 76, jusqu'à ce que le son et la fluidité des arpèges soient parfaites. Puis j'ai recommencé le lendemain, et encore, et encore...Par plaisir, comme ça, pour l'intense satisfaction que j'éprouvais. L'excitation montait surtout quand ça résistait, qu'il fallait recommencer le lendemain, que les progrès étaient si lents...Je pariais que j'y arriverai quand même, que ça marcherai, qu'il n'y avait aucune raison pour que ce soit impossible. Et puis j'ai finalement progressé sur le son, sur l'écoute de mon propre son. Je suis entré dans un monde sonore comme un explorateur dans une grotte. Tous les détails sonores étaient maintenant comme grossis pas un microscope géant. J'avais rapetissé comme Alice au Pays des Merveilles. Chaque note était énorme. Chaque note était un cas particulier, avec sa propre histoire, sa propre hauteur, sa propre identité, sa propre dynamique, sa propre durée. Pire encore, les notes qui l'entouraient modifiaient à chaque fois son profil, sa raison d'être là, à ce moment précis. L'enchaînement de toutes ces notes liées entre elles par le compositeur, ou l'improvisateur, constituaient le discours musical, l'histoire qui se racontait. Tout procédait donc de la sonorité.